Perdue dans le don de soi

– Qu’est-ce que tu fais dans la vie?

– Massothérapeute.

– T’es masseuse?

– Massothérapeute.

Règle générale, je me mets dans tous mes états quand quelqu’un confond les deux termes. Ma formation professionnelle m’a coûté assez cher comme ça, je ne veux pas en plus qu’on sous-entende que je masturbe des hommes d’affaires pour gagner ma vie. Mais j’ai simplement corrigé Yannick sans rouler des yeux, sans ajouter dans ma tête « massothérapeute, triple con ».

Maia LOINAZ, La massothérapeute

Si vous me connaissez un tant soit peu, vous vous doutez que je ne pouvais tout simplement pas passer à côté de ce livre! J’ai couru à la librairie dès que j’ai appris l’existence du premier roman de Maia Loinaz; il faut avouer que les romans où la protagoniste est une massothérapeute ne sont pas très courants! (D’ailleurs, si vous en connaissez d’autres, faites-moi signe!) J’avais bien hâte de voir si La massothérapeute allait réussir à séduire la littéraire et/ou la praticienne en massothérapie en moi…

Résultat: j’ai passé d’agréables heures avec le récit de Maia Loinaz, qui a su m’arracher quelques fous rires malgré toute la frustration et la blessure de Martine, massothérapeute désabusée et insatisfaite de son quotidien, de son travail et de ses amours. La massothérapeute en moi a été charmée par les nombreux et justes clin d’oeils à la profession, par le regard « anatomique » que la protagoniste porte sur les autres bien malgré elle; la littéraire en moi a apprécié le talent de la jeune écrivaine qui réussit à nous faire rire à maintes reprises à travers la grande désillusion de son héroïne.

massothérapeute

La quatrième de couverture, qui nous promet un « roman parfumé à l’huile essentielle avec plus d’effets bienfaisants qu’une désintoxication par les plantes ou un enveloppement d’algues », n’est par contre peut-être pas tout à fait exacte… Je n’étais pas revigorée en terminant le livre, mais plutôt un peu triste… Est-ce parce que je suis moi-même en train de me demander si je veux exercer ce métier et que ce livre ne m’y encourage pas? Est-ce parce que je n’ai pas l’habitude de côtoyer un personnage aussi frustré que Martine?

Chapeau à Maia Loinaz pour ce livre original, qui fera enfin entrer le grand public dans l’univers méconnu de la massothérapie! Si chacun des chapitres fait un clin d’oeil à un article du code de déontologie de la FQM (Fédération québécoise des massothérapeutes), c’est dès la préface que l’auteure aborde le don de soi, un thème que l’on ne rencontre pas souvent en littérature et qui se retrouve à l’essence même de la profession de massothérapeute. On nous explique bien, lors de notre formation, qu’il faut être une personne équilibrée physiquement, moralement et psychologiquement dans la vie pour exercer la massothérapie; mais on ne s’attend certainement pas à se questionner autant sur soi-même en voulant donner aux autres…

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«C’est juste un massage»

Il y a une semaine, je suis tombée par hasard sur un texte de Stéphane Laporte intitulé «L’homme et le spa», qui a un peu remué la technicienne en massage suédois enfouie en moi:

«Dernière formalité avant la grande détente: il faut remplir un questionnaire sur notre état de santé. Avez-vous des problèmes cardiaques? Prenez-vous des médicaments? Signez ici pour dégager l’établissement de toute responsabilité. Je ne m’en vais pas sauter en parachute, je m’en viens me faire masser! Je ne savais pas que le massage était un sport extrême. Ah! les femmes, comme elles sont douillettes. Pourquoi autant de précautions? Il me semble que plus on est mal en point, plus on a besoin de se faire tripoter.»

bilanEt bien, pour répondre à la question de M.Laporte (qui n’est probablement pas le seul à avoir réagi de cette façon), le bilan de santé exigé lors d’une séance de massothérapie n’est pas un caprice féminin. Je serais d’ailleurs curieuse de savoir quel pourcentage de la population croit encore aujourd’hui qu’«un massage, c’est juste un massage»; que ça ne prend que de «bonnes mains» pour devenir massothérapeute et que le massage n’a aucune autre vertu thérapeutique que la relaxation et la détente…

Une lutte contre les préjugés

Les massothérapeutes sont des professionnels de la santé qui se battent encore pour être reconnus par l’Office des professions du Québec;  cette lutte est d’autant plus nécessaire qu’elle pourrait mettre fin à l’ambiguïté qui règne sur le statut de la profession. Présentement, une tonne de préjugés circulent encore à propos de la massothérapie et n’importe qui peut s’auto-proclamer «massothérapeute».

Pourtant, une «masseuse» et une «massothérapeute», ce n’est évidemment pas du tout la même chose! Encore aujourd’hui, je suis surprise d’entendre plusieurs personnes me dire qu’ils ne sont pas à l’aise d’aller consulter en massothérapie, parce qu’ils «n’aiment pas être touchés» par un «inconnu»; cette réaction est la preuve même qu’une bonne partie de la population ignore en quoi consiste un massage thérapeutique.

La formation d’un massothérapeute

Un praticien en massothérapie aura suivi plus de 400 heures intensives de formation; pour obtenir le statut de «massothérapeute», il devra avoir atteint plus de 1000 heures de formation supplémentaire.

Lors du programme de base, il aura étudié et compris le fonctionnement global (anatomie et physiologie) de l’être humain système par système, répertorié plus d’une cinquantaine de pathologies courantes et leur traitement en massothérapie, en plus d’avoir appris à localiser (des insertions aux origines), à masser et à traiter plus d’une soixantaine de muscles du corps humain. Il aura massé et se sera fait masser à chaque semaine durant sa formation (croyez-moi, c’est plus exigeant que ça en a l’air), maîtrisé plus d’une soixantaine de manoeuvres tout en apprenant leurs effets spécifiques sur le corps humain, en plus d’avoir effectué des stages et suivi des cours de relation humaines, de sexologie et d’encadrement professionnel.

bilandesante

Les contre-indications à la massothérapie

Un massothérapeute devrait TOUJOURS faire un bilan de santé avec vous, à tout de moins lors de votre première rencontre (et faire un suivi lors des subséquentes). Pourquoi? Et bien parce qu’il existe de nombreuses contre-indications conditionnelles à la massothérapie (c.-à-d. où le massage sera «adapté» à la condition), et même plusieurs contre-indications absolues (c.-à-d. où le massage devrait vous être refusé parce qu’il pourrait être nuisible à votre santé).

Des exemples? On ne va pas se faire masser si:

  • on est fiévreux (le massage, qui fait augmenter la température du corps, nuirait à l’action naturelle du corps combattant par la fièvre)
  • on souffre d’arthrite ou d’arthrose en phase inflammatoire aiguë
  • on est victime de problèmes cardiaques (le massage nécessite alors habituellement l’approbation d’un médecin)
  • on souffre d’une bronchite aiguë ou d’une pneumonie
  • on est en état d’hypoglycémie dû au diabète
  • on a reçu de la cortisone dans les 10 derniers jours
  • on souffre d’une infection virale ou bactérienne dont résulte de la diarrhée, une infection vaginale ou urinaire.

De plus, la prise de certains médicaments peut diminuer votre sensibilité à la douleur et vous empêcher de réaliser que la pression du massage est trop forte, ce qui pourrait avoir comme résultat quelques bleus le lendemain matin…

Le massage et ses bienfaits

Je ne compte plus le nombre de gens qui m’ont parlé récemment de problèmes de tendinite; avec notre rythme de vie à cent milles à l’heure, nous endurons une blessure si longtemps sans la soigner que l’on se retrouve avec des problèmes chroniques; traitée plus tôt en massothérapie, la tendinite est un mal qui aurait facilement pu être évité. Si le massage peut soigner une bonne partie des maux reliés à nos muscles (adhérences, raideurs, spasmes, douleurs, fatigue, tonus, atrophie), il est également très bénéfique pour la circulation sanguine.

Notre stress quotidien ou nos problèmes d’insomnies sont des conditions pour lesquelles on n’ose pas nécessairement faire appel à un médecin et qui peuvent être efficacement traitées par des séances de massages. La massothérapie peut à la fois être un traitement et agir comme prévention, elle peut vous évitez de nombreux maux, autant physiques que psychologiques…

ÊTRE BIEN DANS SA PEAU ET BIEN DANS SON CORPS NE DEVRAIT PAS ÊTRE CONSIDÉRÉ COMME UN LUXE MAIS BIEN COMME UN OBJECTIF QUOTIDIEN!

Pour plus d’informations

– Les écoles les plus reconnues à Montréal offrant diverses formations en massothérapie: l’Institut Kiné-Concept et l’école Guijek.

– À défaut d’avoir leur profession reconnue, les massothérapeutes se regroupent pour assurer la qualité de leurs services; la fédération la plus connue (regroupant 65% des massothérapeutes accrédités au Québec) est la FQM (Fédération québécoise des massothérapeutes agréés)

N.B. L’auteure de ce texte est une technicienne (praticienne) en massage suédois cinétique. (Par ailleurs, je ne « pratique » pas présentement puisque je suis en réflexion sur mon choix de carrière; j’ai aussi une M.A en littérature française et… une fatigue générale dû à un trop plein d’études?! En d’autres termes, présentement, c’est moi qui doit aller me faire masser 😉 )