J’ai déjà entendu dire que placer un savon au fond du lit pouvait aider à soulager les crampes musculaires et les rhumatismes… J’avais trouvé ça louche comme truc de grand-mère, mais paraît-il que ça fonctionne particulièrement bien avec un savon de Marseille; quelqu’un pourrait m’expliquer pourquoi?
Comme je suis tout nouvellement «apprenti-savonnière», je n’ai pas pu résister d’aller visiter, lors de mon passage en France l’été dernier, deux savonneries, pour en apprendre davantage sur les rudiments du célèbre «savon de Marseille»: je me suis arrêtée chez La Licorne, à Marseille, ainsi que chez Marius Fabre, à Salon-de-Provence. Je n’ai pas été déçue et en fait je fus bien heureuse d’assister à deux méthodes de fabrication du savon, quelque peu différentes de celle que je connaissais déjà.
À la Savonnerie La Licorne (34 cours Julien, Marseille), on m’a montré comment on produisait les savonnettes contemporaines dites «marseillaises». Je ne connaissais pas l’endroit; c’est lors d’une ballade au marché artisanal dans le port de Marseille que l’on m’a gentiment invitée à m’y rendre, voyant que je faisais ma « senteuse » fascinée par les odeurs de ces jolis savons.
La différence majeure entre la fabrication «maison» du savon et celle en industrie, semble être le degré et la durée de chauffage qui est appliqué au mélange huiles+soude. À la maison, c’est la réaction de la soude dans l’eau, qui sera ensuite mélangée aux huiles et beurres, qui augmente la température du mélange et permet la saponification, alors que l’on brasse vigoureusement à la main (ou à la mixette)… En industrie, la pâte de savon (huiles+soude) est chauffée dans un four ou dans des cuves, ce qui provoque une « lente saponification ». À La Licorne, on nous explique que cette pâte de savon est ensuite broyée en petits copeaux, mélangée aux colorants et huiles essentielles, puis écrasée de nouveau et passée dans une boudineuse (pour ensuite être moulée et estampillée).
Les machines ancestrales sont superbes; je suis revenue au Québec avec le goût de me faire faire une étampe à savon en bronze(!) mais je n’ai toujours pas choisi le logo… Leurs savons à l’huile de pépins de raisin, au propolis, au miel, au muguet ou au mimosa m’ont amené plein d’inspiration et j’ai hâte de me mettre à la pâte!
La savonnerie Marius Fabre (148 avenue Paul-Bourret), à Salon-de-Provence, est beaucoup plus grosse et fonctionne depuis 1900. Elle est en fait équipée pour faire de la production de masse, autant de savon de Marseille que de savonnettes diverses. On y trouve en prime un intéressant musée du savon, qui nous prouve que la fabrique obtient bel et bien, encore aujourd’hui, un savon qui respecte les règles telles qu’elles avaient été fixées à l’époque par Louis XIV.
Lors de mon passage (juillet 2008), ils en étaient à leurs premières visites guidées de l’usine, et malgré le fait que notre guide consultait encore ses feuilles de notes, j’ai bien pu sentir et imaginer un veilleur auprès des grandes cuves, un maître-savonnier goûtant au savon, un ouvrier marchant sur le savon de la salle des mises pour le trancher et transportant ensuite les cubes de plus de 30 kg de savon chacun. Évidemment, les temps ont un peu changé; les cuves ne sont plus chauffées au feu de bois et les ouvriers ne transportent plus les énormes blocs de savon grâce à leur force musculaire. Mais le savon de Marseille «72% huile» (huiles végétales d’olive, de coprah et de palme chez Marius Fabre) est fier à sa tradition; suite à l’empâtage ou la saponification entre les huiles et le mélange de soude, la pâte de savon est lavée avec une «lessive de sel» pour éliminer entièrement la soude. Elle est ensuite chauffée à feu doux pendant, au total, une dizaine de jours, ce qui permet de séparer le savon de la glycérine; la pâte est lavée et relavée pour la débarasser de ses impuretés, puis transportée dans la salle des «mises» où elle sèchera, sera coupée puis envoyée à ses dernières étapes de fabrication.
Je n’ai pas réussi à savoir pourquoi mon savon de Marseille pourrait me guérir de mon mal de dos, mais j’ai en prime appris qu’il pourrait également me servir de dentifrice (hum), et de désinfectant pour les plaies. J’ai ramené à la maison assez de cubes et de fragrances pour faire augmenter mes bagages de 8 kg! Je n’ai également pas pu résister à plusieurs petits pots de savon noir (quel beau paradoxe!) et d’huile d’argan et j’ai hâte de me faire mon propre petit hammam.