Souvenirs sucrés du Portugal (partie 1)

C’est dimanche matin à Lisbonne et nous avons décidé, les copines et moi, d’aller passer la journée à la plage. Nous prendrons le train à la gare de Cais do Sodré et il nous mènera jusqu’à Cascais, où une ballade de quelques kilomètres longe l’océan jusqu’à la ville voisine, Estoril. Aujourd’hui, derrière mes lunettes de soleil, je me suis promise que j’allais prendre le temps de décrocher pour vrai; la ville de Lisbonne stimule tant ma curiosité que je n’arrive pas à m’y reposer autant que je voudrais depuis mon arrivée, il y a déjà quelques jours.

Lorsque nous trouvons enfin un petit coin pour s’allonger, j’étends ma serviette orangée et je ferme les yeux. J’écoute les gens qui jasent en portugais autour de nous sans rien y comprendre, en même temps que le bruit des vagues qui s’échouent sur la plage. Le soleil me creuse l’appétit, et je ne peux m’empêcher de rêver à ces fabuleux pastéis de l’Antiga Confeitaria de Belém que j’ai mangés il y a deux jours…

Croquer dans des pastéis de Belém: l’un de mes plus beaux souvenirs de mon séjour à Lisbonne

Dès notre arrivée dans le quartier de Belém, nous avons presque couru jusqu’à la célèbre maison-mère des pastéis de Belém, en opération depuis 1837. Il se vend des milliers et des milliers de tartelettes par jour à l’Antiga Confeitaria de Belém et malgré l’indéniable affluence, les lisboètes y retournent encore et le tourisme n’a pas réussi à détruire le charme et l’authenticité de l’endroit, quelle chance! Au lieu de faire la file dehors, nous avons choisi d’entrer, de parcourir les multiples salles combles décorées d’azulejos et d’attendre quelques minutes qu’une table se libère pour vivre l’expérience totale.  

Le comptoir «pour emporter» de l’Antiga Confeitaria de Belém

Je craque pour les distributeurs de sucre en poudre et de cannelle qui remplacent, sur notre table, les traditionnelles salière et poivrière, ainsi que pour la jolie vaisselle blanche et bleue. Puis, les pastéis de Belém nous sont rapidement servis: ils sont tièdes, donc la crème qu’ils contiennent ne se liquéfie pas à la première bouchée. La pâte feuilletée avec son goût de beurre chaud est parfaitement craquante sous la dent. Impossible de ne manger qu’un seul pastel de Belém, le contraste qui se forme entre le croustillant de la croûte et le crémeux du flan aux jaunes d’œufs est complètement irrésistible. Leur bon goût caramélisé, avec un soupçon de cannelle et de sucre en poudre… ah! Nous n’avons pas pu résister et nous sommes revenues une seconde fois dans la même journée, après avoir visité le Mosteiro dos Jerónimos tout près!

Pour accompagner vos pastéis de Belém, demandez un bica (expresso) ou bien une limonada (qui est non sucrée): l’accord est parfait avec les tartelettes.

L’histoire des pastéis de Belém (que l’on appelle ailleurs pastéis de nata parce que la fabrique de Belém est la seule à posséder la recette secrète originale du Mosteiro de Santa Maria de Belém) est fort intéressante. Comme une partie des pâtisseries portugaises, les pastéis de nata sont issus de la tradition des doces conventuais ou «confiseries et gâteaux des couvents»:

Le blanc des œufs servait à la fabrication des hosties, à la clarification du vin (on recouvrait les tonneaux de blancs d’œufs) et à amidonner les vêtements des prêtres et religieuses, les jaunes étaient bien sûr récupérés en cuisine. Comme le temps ne manquait pas en ces lieux, on le passait à confectionner des desserts et autres pâtisseries*.

En 1834, suite à la révolution libérale, les couvents et monastères du Portugal durent fermer et beaucoup de leurs recettes originales devinrent publiques; dans le cas des pastéis de Belém, la désormais célèbre recette aurait été rachetée par Domingos Rafael Alves, propriétaire d’une raffinerie de sucre de canne, qui décida en 1837 de mettre en vente les fameuses tartelettes après avoir embauché un ancien pâtissier du Mosteiro dos Jerónimos.

Confeitaria Nacional, depuis 1829est une autre des plus vieilles adresses à Lisbonne pour les pastéis de nata.

En ce moment, je suis étendue sur une plage de Cascais, mais je sais qu’en revenant à Montréal dans une semaine, les décors magnifiques de certaines pastelarias portugaises vont me hanter. Leurs vitrines courbées et invitantes me donneront l’envie de revenir pour m’y asseoir et écrire durant des heures.   

Les belles vitrines chez Confeitaria Nacional

De délicieux pastéis de nata servis bien chauds

Si nous avons d’abord pris le train vers l’ouest de Lisbonne, aujourd’hui, pour aller se reposer les pieds dans le sable, nous ignorions que nous allions du même coup pouvoir profiter d’une autre belle tradition sucrée portugaise: les Bolas de Berlim. Ce sont des beignes frits à base de pâte briochée, saupoudrés de sucre, que l’on choisi avec ou sans crème, et qui sont vendus dans les pastelarias, mais aussi par des vendeurs ambulants sur le bord des plages, en été, un peu partout au Portugal.

 Vendeur ambulant de Bolas de Berlim croisé sur le bord d’une plage à Estoril

Bola de Berlim com creme (avec de la crème)

Les Bolas de Berlim n’ont peut-être rien d’extravagant (encore une pâtisserie très simple à base de farine, de levure, de beurre, de sucre et de jaunes d’œuf, me direz-vous), mais une journée sur le bord de l’océan au Portugal ne serait pas complète sans eux.

À suivre…

* Silvi de Almeida, Goûtez Lisbonne, Paris, Agnès Viénot, 2011.

POUR EN SAVOIR PLUS:

  • L’Antiga Confeitaria de Belém est située au 84-92, Rua de Belém, dans le quartier de Belém, à l’ouest du centre de Lisbonne.
  • Confeitaria Nacional se trouve au 18B, Praça da Figuera, dans le quartier de Baixa Pombalina, à Lisbonne.
  • Les plages des villes de Cascais et d’Estoril sont situées à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Lisbonne (environ quarante minutes en train à partir de la station Cais do Sodré).
  • Si vous vous intéressez aux pâtisseries portugaises, tenter de mettre la main sur l’excellent livre Fabrico Próprio, The Design of Portuguese semi-industrial confectionery (combinant à la fois des textes en portugais et leur traduction en anglais). Le projet a également un site Internet 

Laisser un commentaire